L’Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne certifie que les personnes d'ascendance africaine de l’UE sont de plus en plus touchées par le racisme

Le 25 octobre 2023 l’Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a publié son deuxième rapport « Être une personne noire en UE » qui présente les expériences des personnes d'ascendance africaine en Europe.  Le premier rapport de 2018 mettait en lumière le racisme généralisé et enraciné existant en Europe à l'encontre des personnes d’ascendance africaine et ce deuxième rapport de la FRA apporte de nouvelles données qui révèlent le nombre toujours croissant d'expériences de discrimination et de violence que subissent les personnes migrantes et descendantes de personnes migrantes d'ascendance africaine - Afrique subsaharienne - résidant dans 13 pays de l’UE, dont l’Espagne.

Le rapport souligne que les 5 années qui se sont écoulées entre ces deux rapports ont été marquées par le mouvement Black Lives Matter et la mobilisation mondiale pour faire face au racisme et stimuler la justice raciale. Dans le domaine institutionnel également des progrès ont été faits avec l'adoption par la Commission européenne de son premier plan d’action de l’UE contre le racisme (2020-2025). Néanmoins, selon les déclarations du directeur de la FRA, Michael O’Flaherty « il est surprenant de ne constater aucune amélioration. Au contraire, les personnes d'ascendance africaine subissent de plus en plus de discrimination du seul fait de leur couleur de peau ». Les conclusions principales sont les suivantes :

  • Discrimination raciale - 45% des personnes interrogées dit avoir subi de la discrimination raciale au cours des 5 dernières années, un chiffre en nette augmentation par rapport au taux de 39% de la dernière étude. Par ailleurs la discrimination raciale est toujours invisible, seules 9% des victimes dénoncent ces incidents et très peu de plaintes comparaissent devant un organisme d’égalité. En Espagne seules 4% des personnes interrogées avaient dénoncé les faits ou déposé une plainte après avoir subi un incident raciste. L’étude souligne également la méconnaissance des organismes d’égalité ou des organisations de soutien spécialisé.
  • Harcèlement raciste - 30% des personnes d’ascendance africaine affirment avoir subi du harcèlement raciste, la majorité des victimes de violence raciste souffrent de troubles psychologiques provoqués par le harcèlement et ont peur d’être à nouveau agressées. À ce chapitre l’Espagne est l’un des pays avec le plus faible pourcentage de personnes inquiètes face à la possibilité de souffrir de harcèlement ou de violence raciste en public.
  • Utilisation des profils raciaux ou ethniques par la police - Plus de la moitié des personnes d'ascendance africaine croient que leur dernière arrestation par la police avait été provoquée par l’utilisation de profils raciaux. L’Espagne, après l’Italie, est le pays qui compte le plus fort taux de caractérisation raciale par la police. 
  • Emploi - De nombreuses personnes d'ascendance africaine occupent des emplois peu qualifiés, et une sur trois a un contrat de travail temporaire, sans sécurité professionnelle. On trouve en Espagne les taux de travail rémunérés les plus bas parmi les personnes d’ascendance africaine ; à remarquer notamment la différence salariale entre les femmes et les hommes (25 points) ; c’est également le pays où le pourcentage de contrats temporaires est le plus élevé (45%) L’Espagne et la Suède présentent par ailleurs des données préoccupantes concernant le nombre de personnes jeunes (16-24 ans) interrogées qui ne travaillent pas, n’étudient pas, et ne reçoivent aucune formation, ce qui représente environ le double par rapport à la population en général. 
  • L’augmentation de l’inflation et du coût de la vie a placé les personnes de descendance africaine dans une situation de plus grand risque de pauvreté que la population en général. Un tiers d'entre elles ont des problèmes pour boucler les fins de mois. En Espagne presque la moitié des personnes interrogées avaient de (grands) problèmes pour boucler les fins de mois.

Dans son rapport, l’Agence émet un ensemble de recommandations destinées aux pays de l’UE afin de contribuer à lutter contre le racisme et la discrimination de manière efficace. Nous citerons notamment les suivantes :

  • Appliquer pertinemment la législation contre la discrimination, ainsi que les sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives.
  • Identifier et enregistrer les délits motivés par la haine et considérer la motivation biaisée comme circonstance aggravante lors de la fixation de sanctions.
  • Compiler des données sur l’égalité, notamment celles relatives à « l’origine ethnique ou raciale » pour évaluer la situation et superviser les progrès faits.
  • Garantir que les organismes d’égalité disposent bien des mandats et ressources nécessaires pour faire face à la discrimination et soutenir les victimes.
  • Adopter des mesures pour prévenir et éradiquer les pratiques et la culture institutionnelle discriminatoire dans le domaine policier, en se basant sur le guide de la FRA sur la prévention de l’élaboration de profils illégaux.
  • Mettre en œuvre des politiques spécifiques visant à aborder le racisme et la discrimination raciale dans l’éducation, l'emploi, le logement et la prise en charge sanitaire.

Cette année l’Ararteko a publié l’étude sur « Discriminación y políticas públicas antidiscriminatoria en la CAE »  [Discrimination et politiques publiques contre la discrimination dans la Communauté autonome du Pays basque] afin d'attirer l'attention sur le besoin de politiques publiques de lutte contre la discrimination et le racisme en Euskadi. L’étude de l’Ararteko coïncide avec le rapport de la FRA puisqu'elle souligne les problèmes d'accès au logement des groupes victimes de discrimination et le risque de ségrégation résidentielle. Les recommandations des deux études coïncident également lorsqu’elles affirment, entre autres questions, qu’il convient de donner la priorité aux mesures de prévention, de protection et de réparation face aux comportements discriminatoires, en complément du signalement administratif ou de la plainte portée devant des organes judiciaires ; elles ajoutent qu’il est nécessaire d’informer, de conseiller et d'accompagner les personnes susceptibles de subir une discrimination et des victimes d’incidents discriminatoires ou racistes ; elles affirment qu’il est important de créer des mesures spécifiques relatives à l’identification des personnes par la police ; et, finalement, elles attirent l'attention sur la nécessité d’élaborer des études diagnostiques pour concevoir des politiques publiques et compiler des données ventilées sur l’égalité.